Loup y es-tu ? Histoire d’une peur

Concordance des temps – émission du 12 novembre 2011

Avec Jean Moriceau, professeur à l'Université de Caen et président de l'Association d'histoire des sociétés rurales.

Contrairement à ce que nous dit la célèbre chanson métaphorique de Serge Reggiani, les loups, par les temps qui courent n’entrent guère dans Paris, ce qu’ils ne firent, d’ailleurs, nous dit-on, qu’en 1423 et en 1438. Mais ils ont recommencé d’être fort présents dans les Alpes françaises, au point que l’été dernier, en juillet, deux attaques particulièrement sanglantes contre des troupeaux de moutons, ont soulevé beaucoup d’émotions, bien compréhensible, dans le monde des éleveurs. Une émotion qui s’est accrue en août et en septembre puisqu’on a dénombré plus de cent intrusions de loups dans les espaces de pâturage, entraînant la mort de près de 600 bêtes, dix fois plus qu’en 2010. Et voilà que se sont exaspérés les affrontements entre d’un côté les pasteurs, réclamant qu’on se remette à chasser les loups avec vigueur, et de l’autre les écologistes farouchement attachés à la défense d’une espèce protégée.

Il s’agit là du dernier chapitre d’une très longue histoire, celle des relations entre l’homme et le loup, entre l’homo sapiens et le canis lupus, une histoire souvent dramatique et généralement fantasmatique, une histoire qui traverse des guerres et des famines, l’œuvre de La Fontaine et de Charles Perrault, tout aussi bien que les comptines enfantines. L’histoire d’une peur et d’une certaine séduction dont les rebonds et les échos informent sur les passions qui viennent de resurgir du côté de la vallée de l’Ubaye. Une histoire à laquelle Jean-Marc Moriceau, qui est devant moi, a consacré plusieurs ouvrages. Il est professeur à l’Université de Caen et président de l’Association d’histoire des sociétés rurales. Alors, Loup y es-tu ?

Jean-Noël Jeanneney