L’homme et l’abeille

Concordance des temps – émission du 28 janvier 2012

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Avec Michel Pastoureau.

Les articles prolifèrent dans la presse, depuis quelque temps, pour nous dire que les abeilles sont menacées dramatiquement par les insecticides, l’agriculture intensive et le changement climatique. Sans compter l’invasion en Occident du frelon asiatique, redoutable massacreur de ces admirables hyménoptères. Et soudain surgit une prise de conscience sur notre responsabilité dans ce péril qu’on a mis quelque temps à cesser de prendre à la légère. Soudain on se souvient qu’environ un tiers de la nourriture consommée à l’échelle mondiale repose sur la pollinisation des cultures dont les abeilles sont les principaux agents. Soudain on exhume le mot effrayant qu’on a attribué à Albert Einstein à la fin de sa vie « Si l’abeille venait à disparaître, l’humanité n’aurait plus que quelques années à vivre ». Soudain on porte un intérêt renouvelé à l’histoire des relations tout à fait spécifiques que nos pareils ont entretenues, au long des siècles, avec les abeilles, avec les ruches, avec la cire, avec le miel.

J’ai toujours grand plaisir à accueillir à ce micro, comme ce matin, Michel Pastoureau, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, et connaisseur hors de pair de la place qu’occupent les animaux dans nos pratiques collectives et dans nos imaginaires. Or il en est peu qui aient occupé une place plus centrale que les abeilles dans les modes de vie, dans les pratiques culinaires, dans la légende et dans les folklores et plus encore dans la symbolique que développent les peuples quand ils se considèrent eux-mêmes. La société des abeilles, progressivement mieux connue et mieux comprise, n’a pas cessé d’appeler des comparaisons avec celle des hommes, en termes politiques, en termes économiques, en termes emblématiques. Ouvrons donc la porte à ces milliers de milliards d’abeilles qui bourdonnent à nos oreilles depuis des temps immémoriaux.

Jean-Noël Jeanneney