Les jurys populaires en question depuis la Révolution

Le chef de l’Etat l’avait suggéré en septembre 2010, il l’a répété hautement le 10 février dernier : il veut voir s’étendre la place et le rôle des jurys populaires dans le système judiciaire de notre pays. Il vient donc de demander au nouveau garde des Sceaux, M. Michel Mercier, de préparer un texte de loi destiné à organiser la présence des citoyens au côté des magistrats professionnels, non plus seulement dans les cours d’assises, pour juger les crimes, mais dans les tribunaux correctionnels, pour les délits. Avec le but affiché de s’assurer que ces verdicts soient, je cite M. Sarkozy, « à la hauteur de la sévérité qu’en attendent les Français et les victimes ». Et voilà lancé un débat qui est important, en termes moraux comme en termes civiques.

Laissons ici de côté la question de savoir si la Justice doit être rendue au premier chef pour satisfaire les victimes, ce qui heurte de plein fouet  la tradition républicaine qui appelle les juges à se mettre plutôt et d’abord au service de l’équité. L’éclairage de l’Histoire sur le débat qui vient de surgir de ce fait, provoque une autre surprise : celle d’un retournement spectaculaire par rapport au XIXe siècle, au long duquel la droite a constamment considéré, au rebours de son héritier d’aujourd’hui, que les jurys populaires, fils des Lumières et de la Révolution, si on leur laissait trop de pouvoir, risquaient d’être, en règle générale, trop indulgents, aux dépens des exigences de l’ordre établi. C’est d’ailleurs pourquoi le régime de Vichy a adjoint, dans les cours d’assises, des juges de métier aux délibérations des citoyens jurés.

Pour tâcher de comprendre cet étonnant changement de pied et, plus largement d’éclairer l’institution des jurys, en relation avec l’évolution de la société toute entière, des forces sociales et des stratégies partisanes, j’ai convié ce matin Frédéric Chauvaud, spécialiste de l’histoire de la Justice et de la violence, et auteur, entre autres ouvrages remarquables, d’un livre intitulé "La Chair des prétoires, Histoire sensible des Cours d’Assises".

JNJ