Le Sénégal et la France : une fragile dilection?

Entre le Sénégal et la France, l’heure est au tangage. Cinquante ans après l’indépendance, le président Abdoulaye Wade vient d’annoncer bruyamment la fermeture de la base militaire française de Dakar et le départ prochain de 1200 hommes des forces françaises du Cap vert. A Paris on a  aussitôt souligné qu’il ne s’agissait pas, en réalité, d’une décision souveraine du côté sénégalais, mais qu’elle avait été préparée de concert. Il n’empêche que l’épisode a paru signifier un  refroidissement, d’autant plus qu’au même moment le chef de l’Etat sénégalais disait songer à récupérer son pouvoir monétaire et à en finir avec  le franc CFA contrôlé par Paris. Ajoutons que c’est à des Nord-Coréens que le même président a fait appel pour construire un imposant monument, tout juste inauguré,  dit de « La Renaissance africaine », à hauteur de 23 millions d’euros.

Refroidissement, certainement ! Rupture sûrement pas ! Et rien de ce qui survient aujourd’hui ne peut se comprendre, dans l’ordre de l’affectif autant que du politique, si l’on ne s’attache pas à la longue durée, pluriséculaire, des relations entre le Sénégal et la France, dont la domination coloniale n’a pas été ici, en vérité, tout à fait semblable à aucune autre : pour bien des raisons que nous allons tâcher de démêler avec Catherine Coquery-Vidrovitch, professeur émérite d’histoire de l’Afrique à l’Université Paris VII. Celle-ci a eu toujours le souci de nous rappeler que, dans la culture nationale française, le fait colonial a joué un rôle à peu près aussi important que pour le Sénégal celui de notre durable emprise.