Le fiel ultime de « JE SUIS PARTOUT »

1944, 16 août Une grande heure dans l'histoire de notre presse ? Ce jour là, l'une des publications les plus sombres qui y ait jamais prospéré achevait la course de son déshonneur.

La caricature de Ralph Soupault, en première page de l'ultime numéro de l'hebdomadaire Je suis partout , daté du 16 août 1944, résume parfaitement le ton de cette feuilleton. On y voit Roosevelt enlaçant un gros Juif au nez crochu, fumant cigare et portant gibus, et lui murmurant, à propos de Camille Chautemps – un leader important de la IIIe République auquel on prête le projet de jouer sa carte après la Libération – affublé ici des insignes de la franc-maçonnerie : « Ce Chautemps fera tout à fait notre affaire. » Ce qui lui vaut, bien entendu, cette réplique satisfaite : « Et nos affaires… » Ralph Soupault, dessinateur au talent dévoyé, continue jusqu'au bout de porter le credo de cette équipe avec une violence à laquelle l'écrit peut parfois moins bien parvenir : haine des « Anglo-Saxons enjuivés » , fureur contre tous les « attentistes » , ceux de Vichy au premier rang, détestation de la démocratie, appel au meurtre de ses dirigeants, adhésion farouche à une Europe nouvelle sous la direction de l'Allemagne nazie. C'est ce même Ralph Soupault qui, dans le numéro en date du 21 juillet, a donné le plus atroce de ses dessins. Georges Mandel, qui a été livré par les Allemands à la Milice, vient d'être assassiné par celle-ci ; il est montré dans les bras de la Mort, qui lui dit avec une sinistre gourmandise : « Alors, mon petit, on est enfin venu voir sa grande amie ? » La première page du numéro du 16 août est partagée en deux longs entretiens, Lucien Rebatet…