La nature au péril de l’industrie : deux siècles de pollution

Concordance des temps – émission du 26 novembre 2011

On en a mieux pris conscience depuis quelques semaines, au gré de diverses controverses, notamment à gauche : pour la première fois dans notre histoire politique la question de la sécurité nucléaire s’annonce comme devant jouer un rôle important dans la prochaine campagne présidentielle. Cela tient évidemment, à court terme, au traumatisme provoqué par la catastrophe de Fukushima, mais le mouvement est plus profond et plus ancien, et le souci des risques de la pollution industrielle dépasse les seules centrales nucléaires. C’est à l’émergence de cette prise de conscience, éclairée par le passé, que nous allons nous consacrer ce matin, en compagnie de Geneviève Massard-Guilbaud, directrice d’études à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales, qui est la spécialiste avisée de l’histoire de l’environnement industriel et urbain et des systèmes de régulation qui ont été progressivement et tant bien que mal mis en place. Nous allons voir avec elle que la grande évolution qui s’affirme depuis quelques décennies dans la relation entre la civilisation du progrès industriel et la défense de la nature et de la santé publique, que cette évolution ne se comprend pas bien si l’on ne remonte pas en arrière, peut-être jusqu’au Moyen-âge, et sûrement jusqu’à l’Ancien Régime et au XIXe siècle. C’est-à-dire au temps où la Révolution industrielle, dans la puissante vigueur de son essor, a largement brutalisé l’environnement rural et urbain, en dépit de protestation dispersées qui ont pu préfigurer, de place en place, celles d’aujourd’hui.

Jean-Noël Jeanneney