La droite et l’extrême droite (1870-1940) : frontières mouvantes

Parmi les incertitudes qui entourent les stratégies des deux camps dans la perspective de l'élection présidentielle de 2012, on discerne déjà clairement l'effort que va déployer la droite élyséenne pour servir une nouvelle candidature de Nicolas Sarkozy, candidature qui paraît probable : effort pour attirer les voix qui seraient tentées de se porter sur Marine Le Pen, candidate du Front national. Le nouveau ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, ancien secrétaire général de la présidence de la République, a notamment multiplié les déclarations exprimant beaucoup de méfiance, sinon d'hostilité, envers la population immigrée dans notre pays.

Nous sommes par là renvoyés, en termes historiques, à la question récurrente de la frontière séparant la droite et l'extrême droite. Question difficile, notamment parce qu'elle suppose une définition, qui ne s'impose pas toujours d'évidence, de ce qu'a été et de ce qu'est l'extrême droite, dans la mobilité des temps, aux yeux d'elle-même et aux yeux des autres. Mais question qu'on ne peut pas esquiver, car elle touche de près aux valeurs républicaines, à l'héritage des Lumières, au fonctionnement de la démocratie.

J'ai donc invité Michel Winock à venir en parler à ce micro, armé qu'il est d'une compétence hors de pair sur l'histoire politique de la France depuis deux siècles. Nous allons considérer ensemble ce qu'ont pu être, d'âge en âge, depuis les débuts de la Ille République, les relations de séduction ou de conflit entre, d'une part, le parti de l'ordre établi, comme on disait au XIXe siècle, le parti des permanences protégées, et d'autre part les forces qui ont tâché de bousculer celui-ci à partir d'une caricature de ses sensibilités, caricature violente, hargneuse, à la fois marginale et obsessionnellement préoccupée d’échapper à sa solitude.

Jean-Noël Jeanneney