Jules Jeanneney, Journal politique, (septembre 1939-juillet 1942)

Le "Journal politique" qui constitue la matière de ce livre fut entrepris par Jules Jeanneney le jour même de la déclaration de guerre, en septembre 1939, et tenu, avec quelques interruptions, jusqu'au mois de juillet 1942. Il était resté depuis lors entièrement inédit.

Trente ans après la Drôle de guerre,l'Armistice, les débuts du régime de Vichy, l'histoire possède la plupart des récits de ceux qui jouèrent, durant ces années, un rôle de premier plan dans la politique française. Tous ces récits, à la seule exception des rapports diplomatiques, ont été élaborés après coup, et leur teneur s'est trouvée souvent déformé par la connaissance des événements survenus entre-temps et par un effort de reconstruction apologétique. La première originalité du témoignage laissé par Jules Jeanneney est d'avoir la couleur vive, la vérité de l'immédiat. Ses attitudes, ses choix sont ceux de l'instant. Ses évolutions peuvent être suivies dans leur exacte chronologie. Ses jugements sur les hommes sont purs de toute reconversion ultérieure.

Non qu'il soit, assurément, mieux que d'autres, protégé contre les erreurs de l'analyse, les insuffisances de l'observation, les lapsus de la mémoire proche. Mais au moins son texte n'a-t-il subi aucun maquillage rétrospectif.

L'observateur, d'autre part est privilégié. Parlementaire depuis quarante ans, sénateur depuis trente, il avait une longue pratique du milieu politique et des mécanismes du pouvoir, la connaissance exacte de ses règles juridiques, l'habitude d'observer l'esprit public en province. Président du Sénat, deuxième personnage de la République, chargé de présider éventuellement l'Assemblée nationale, il voyait venir à lui – au moins dans la première période, jusqu'au 10 juillet 1940 – les acteurs importants de la vie politique, et il recueillait directement de leur bouche l'écho de tous les grands débats nés de la guerre. Appelé par l'usage et son autorité personnelle à donner officiellement et officieusement son avis aux moments les plus difficiles, il se faisait un devoir d'être attentif de très près au développement de la situation. Et il était en même temps assez détaché de l'action directe pour trouver le loisir d'une réflexion approfondi, et aussi celui de rédiger ses impressions au jour le jour, chose bien difficile pour un homme de gouvernement.