Etre maigre : trop ou pas assez

"Les plus fidèles d'entre vous, mes chers auditeurs, se rappellent peut-être que j'avais invité naguère à ce micro Georges Vigarello, magnifique historien du corps et de la beauté, pour parler de la grosseur à travers les âges. Et il avait fait à Concordance des temps un « plaisir et un honneur signalés », comme on disait à la fin de ces banquets qui arrondissaient la taille des édiles sous la Troisième République, le plaisir et l'honneur d'en faire (cas unique ici jusqu'à présent) d'en faire le point de départ d'un livre remarquable qui est paru deux ans plus tard et que son auteur a intitulé La métamorphose du gras.

Dès cette publication survenue, je me suis promis, tout fier d'avoir provoqué ce déclic, de convier bientôt Georges Vigarello à traiter, symétriquement, de l'histoire de la maigreur à travers les âges, dans l'espoir secret qu'un jour il nous donne à ce sujet un livre jumeau du premier. Et voici que l'occasion en est offerte en ce mois de juillet où la perspective des plages pour les nombreux amateurs des vacances au bord de la mer fait, comme chaque année, resurgir chez beaucoup le souci obsessionnel de leur ligne, dans leur miroir et sous le regard des autres.

Et cela sur un fond de polémique récurrente quant au rôle de la mode dans l'apologie dangereuse de la maigreur chez les jeunes filles. En un temps où le milieu médical met en garde contre l'anorexie tardive, et où une députée UMP, Valérie Boyer, accablée par les défilés des mannequins qui n'auraient plus que la peau sur les os, va jusqu'à proposer une loi punissant sévèrement toute incitation à la minceur extrême."

Jean-Noël Jeanneney