Comment lutter contre ce sport national qu’est l’auto-dénigrement?
« Posons la responsabilité du sommet au premier chef : il ne faut jamais oublier qu'une démocratie est –notamment- une pédagogie et que les personnalités portées pour un temps par leurs concitoyens à la tête de l'Etat ont une responsabilité centrale dans le « déclinisme ». D'une part ils ne doivent pas laisser s'effondrer l'influence culturelle de la France dans le monde, à laquelle le gouvernement actuel porte tant de coups par ses choix budgétaires et politiques, d'autre part ils doivent combattre l’érosion de la langue française et le comportement de soumission langagière vis-à-vis de l'anglais –qu’il est indispensable de connaître mais absurde de révérer. Affaire de dignité : voir le président de la République arborer, pour son « jogging », un tee shirt « New York Police District » est un symbole insupportable de ces comportements de fascination, sinon de « servitude volontaire », comme disait La Boétie, d’une partie de nos élites à l'égard des Etats-Unis – qui sont nos amis, mais dans la différence.
L’enseignement –avec le concours de l’ensemble du monde intellectuel- doit également jouer son rôle, du haut en bas: tout en se gardant de tout « cocorico », tout en restant ouvert généreusement au monde entier, il peut contribuer à faire naître chez les jeunes générations un sentiment de fierté, ouverte, critique et exigeante, dans l’appartenance à la nation – et à la grande aventure européenne.
Quant aux médias, ils peuvent aussi peser –même s’ils reflètent souvent la morosité de l'opinion publique plutôt qu’ils n’en sont un ressort. Il faut d'ailleurs différencier les comportements propres à Paris – où l'on a toujours grand peur d'avoir l'air fervent- de ceux du reste du pays. »
(Dernier ouvrage paru La République a besoin d ’Histoire, Interventions 2000-2010, Presses du CNRS).