Avocats et politique sous la IIIe République

Une polémique intéressante a surgi tout récemment lorsque Martin Hirsch, conseiller d’Etat, ancien président d’Emmaüs France et membre du gouvernement de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2010, a publié un livre intitulé Pour en finir avec les conflits d’intérêts où il critiquait notamment Jean-François Copé, ancien ministre du Budget et président du groupe UMP à l’Assemblée nationale.

Il lui reprochait sans ménagement d’être devenu, dans le cours  de cette fonction, avocat du grand cabinet d’affaire où il serait salarié  à hauteur de 20000 euros par mois. « Il va de soi, a répliqué M. Copé, que je ne traite aucune affaire qui concerne l’Etat. » A quoi Martin Hirsch avait répondu à l’avance en écrivant ceci : « Le président du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale a une influence sur l’ensemble des textes législatifs, de toute nature, y compris tous les textes fiscaux et avec l’ensemble des administrations. Se mettre à l’abri des conflits d’intérêts, cela signifierait s’interdire de traiter toute affaire pouvant avoir une influence fiscale, s’interdire d’avoir à faire avec les directions du ministère des Finances, directement ou indirectement. Cela ne laisse plus beaucoup de place pour une activité d’avocat d’affaires. » Cet affrontement très public se situe dans le cadre de la mission  confiée par le président de la République à de hauts fonctionnaires sur la question des conflits d’intérêts, dans le sillage de l’affaire qu’on est désormais convenu d’appeler Woerth Bettencourt. Une question qui est loin de ne concerner que les avocats mais c’est à considérer la place de ceux-ci dans la vie publique que nous allons nous consacrer ce matin. Et avant d’en venir précisément à la question désormais sensible des avocats d’affaire, nous nous intéresserons aux relations qui ont pu se nouer entre le barreau et la République au bon vieux temps de la Troisième.

La république des avocats, c’est le titre du livre que mon invité, Gilles le Béguec, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris Ouest, a publié voici quelques années sur ce sujet stimulant.

Jean-Noël Jeanneney