Actualité de Jules Ferry
Concordance des temps – émission du 21janvier 2012
Avec Mona Ozouf.
Les prestiges du réformisme ont retrouvé depuis la chute du mur et la déconfiture du communisme à l’Est des couleurs et même un éclat qui auraient surpris la Gauche intellectuelle voici 50 ou 60 ans, et la réputation des pères fondateurs de la Troisième République s’en est trouvée fort améliorée. À telle enseigne qu’on s’est aperçu que ces hautes figures pouvaient avoir encore beaucoup à nous dire. Nous avons tâché de le démontrer naguère, à ce micro, à propos de Gambetta et de Clemenceau. Ce matin c’est de l’actualité de Jules Ferry que nous allons traiter, en connivence avec Mona Ozouf qui a beaucoup fréquenté, si je puis dire, ce grand homme. Mona Ozouf qui aime à souligner un contraste remarquable à son propos. La crise de notre système scolaire pousse, je la cite, à jucher sur un socle la statue austère d’un personnage qui a inventé notre école républicaine et à adresser à sa mémoire soit des supplications exaltées « Jules Ferry reviens ! », soit des soupirs désolés « Hélas ! Nous n’avons plus de Jules Ferry parmi nous ». Oui, mais en même temps on constate qu’il a été à son époque un acteur politique à peu près constamment impopulaire, pour ne pas dire haï. « Ferry famine », « Ferry Tonkin », « Ferry sans Dieu » : les injures ont toujours bourdonné autour de lui jusqu’à se concrétiser sinistrement dans un attentat qui a failli lui coûter aussitôt la vie, et qui a probablement hâté sa mort. Pourquoi donc la postérité, la nôtre, lui rend-elle en définitive, justice ? Voilà bien ce qu’il s’agit de comprendre.
Jean-Noël Jeanneney