Tribune: « Rebâtir une solidarité européenne face aux crises »

Les 28 Etats membres de l’Union européenne sont mis à l’épreuve dans la crise des réfugiés, la crise économique et monétaire qui génère un chômage des jeunes massif et persistant, dans les guerres et les conflits qui secouent ses voisins. Aucun de ces défis ne peut être relevé par un Etat isolément ; chacun d’entre eux somme les Etats d’être solidaires. Il est donc crucial de surmonter la crise de solidarité qui paralyse l’Europe actuellement. Nous voulons aller de l’avant ensemble. Nous en sommes persuadés : il faut embrasser ces défis d’un seul regard. Il ne saurait y avoir de solidarité partielle. Ce n’est que dans une perspective globale que la solidarité pourra prévaloir et que des solutions pourront se dessiner. Et c’est sur la force de la coopération et de la compréhension franco-allemande que repose tout progrès. La recherche d’un compromis d’ensemble nous oblige à sortir des sentiers battus et à emprunter de nouveaux chemins, parfois risqués. Car c’est la vertu du compromis et non l’égoïsme national, qui, des décennies durant, a fait avancer le processus d’unification européenne. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Premièrement, que les pays de l’UE soient prêts à concéder provisoirement des déficits budgétaires plus élevés aux pays qui souffrent d’un fort taux de chômage des jeunes, en assortissant cette concession d’efforts de réformes en faveur d’un fonctionnement plus efficace des marchés et du secteur public, de l’excellence de l’éducation et de la formation.

Deuxièmement, que dans ses rapports avec la Russie, l’Union européenne demeure sur la ligne politique jusqu’ici conduite à l’unisson, en particulier quant aux conditions à réunir pour la levée des sanctions. Et que l’Allemagne soit résolue à débattre de sa politique énergétique extérieure sur un plan géopolitique et à la mesurer aux objectifs européens, la révision du Nord Stream 2 relevant de ce débat.

Troisièmement, que la question des réfugiés soit abordée de concert. Les 28 Etats membres doivent apporter la garantie de contributions justes et durables pour stabiliser les pays voisins de la Syrie, notamment via le financement de l’aide aux réfugiés des Nations unies. Le contrôle des frontières extérieures de l’Union doit être organisé et financé au niveau européen. La coopération avec la Turquie, de ce point de vue, est certes importante, mais l’UE ne saurait en dépendre. La collaboration avec la Turquie doit se faire sur la base des principes européens de l’Etat de droit, ainsi que des intérêts de l’UE tels que la promotion du processus de paix en Syrie.

Quatrièmement, Schengen et politique d’asile commune doivent aller de pair, tout comme monnaie unique et politique économique commune. Des aides financières directes doivent donc être mises en place pour assurer la gestion des frontières, ainsi que l’enregistrement, la répartition et l’hébergement des réfugiés. Qui ne participe pas à l’accueil des réfugiés doit contribuer à un système de compensation.

La crise de l’Union européenne n’est pas une catastrophe naturelle. Elle a des origines politiques et doit être résolue par la politique. N’espérons donc pas qu’un miracle de la nature nous aidera, mais attaquons-nous aux défis. Au travail !

Tribune collective publiée dans Les Echos.

Laurent Cohen-Tanugi est avocat. Daniel Cohn-Bendit est ancien député européen Verts. Franziska Brantner est député Grüne au Bundestag. Henrik Enderlein est directeur du Jacques Delors Institut – Berlin. Hervé Gaymard est député Les Républicains. Elisabeth Guigou est députée PS. Sylvie Goulard est députée européenne ADLE. Anne-Marie Le Gloannec est chercheur à Sciences po. Thomas Oppermann est député SPD au Bundestag. Nobert Röttgen est ancien ministre CDU. Heinrich-August Winkler est historien.